7 octobre 2024

Historique

UN PEU D’HISTOIRE…

Un bout de chemin dans la vallée de l’Isch

L’Isch est une petite rivière qui a creusé avec la Sarre et l’Eichel, l’une des trois vallées de l’alsace bossue.
Dans ce pays semé de collines vertes qui font autant de bosses on parle encore le francique, cet accent chantant de l’alsacien. Ce n’est pas pour rien non plus que l’on parle en consultant la carte, d’un nez alsacien planté dans les affaires lorraines ! Pour ceux qui aiment les beaux paysages où s’exprime la douceur de vivre, c’est bien là un secteur de notre province à découvrir.

Un clocher circulaire à Weyer

L’Isch prend sa source au nord de Lohr, à 324 mètres d’altitude. Le ruisseau se dirige de là sur Ottwiller, arrose Drulingen et enfin passe au pied de Weyer dont le haut du village domine d’environ dix mètres le lit de l’Ischbach dont les eaux ont déjà été grossies par divers affluents, des ruisseaux qui souvent faisaient tourner les moulins. L’église catholique de Weyer, avec le sanctuaire du Kirchberg, reste un symbole de l’alsace bossue, notamment à cause de son clocher circulaire. Dans cette région de transition entre Alsace et Lorraine, les tours d’église étaient souvent rondes. La tradition affirme qu’il s’agit là d’une tour de défense du XIIè siècle. De fait, dans bien des villages de nos contrées, l’église enserrée par le haut mur du cimetière, servait de lieu de refuge aux habitants fuyant les maraudeurs. Il est dont fort probable que ce clocher ait également été construit comme tour de défense.
Mais cette tour représente avant tout un exemple typique de l’art religieux du pays. Quant à la nef gothique, il n’en reste que des fragments de sculptures, elle fut reconstruite en 1846. L’ancien bâtiment avait été qualifié de « froid et malsain ». Les anciens vitraux furent détruits lors des combats de la Libération, au cours de la terrible campagne 1944/45 ; la maison Ott Frères replaça les nouvelles verrières de 1949 à 1952, avec, dans le chœur, les saints Simon et Jude Thadée, patrons du sanctuaire.

Des bouleversements religieux dans le comté

Weyer faisait primitivement partie du vaste comté de Sarrewerden dont l’actuel village du même nom formait la cité capitale avec château et collégiale. Ce comté englobait la plupart des villages qui forment aujourd’hui l’alsace bossue. A l’extinction de la lignée des comtes de Moers-Sarrewerden, le comté, jusqu’alors fief relevant de l’église de Metz, fut réintégré aux domaines épiscopaux de Metz et confié en 1527 au frère de l’évêque, le duc de Lorraine. Cette décision fur contestée par les héritiers des Moers-Sarrewerden, les comtes de Nassau-Sarrebruck qui avaient introduit dès 1557-59 la Réforme sur leurs terres et bien évidemment à Weyer qui fut dès lors une paroisse protestante selon le principe « cujus regio, ejus religio », en clair, les sujets doivent prendre la religion de leur souverain. Mais voici qu’en 1629 la cour impériale reconnaissait la suzeraineté sur le comté au très catholique duc de Lorraine. Il fallait donc s’attendre à voir la religion catholique revenir au premier plan. Mais le duc n’eut pas le temps de mettre ses projets à exécution et les habitants conservèrent, à quelques exceptions près, leur religion.
Nous sommes maintenant arrivés au cœur de la guerre de Trente Ans. Dès 1627, les troupes impériales, également catholiques, avaient incendié Weyer qui est déserté par ses habitants. La peste, en 1635, s’ajoutera aux malheurs. Les rares survivants ne semblent être revenus que vers 1650 et un premier mariage en 1658 semble signer la renaissance du lieu. C’est le roi de France, Louis XIV, qui décidera de la réintroduction du catholicisme. En 1680, des jésuites prenaient la direction spirituelle de la paroisse. S’étant assuré le contrôle de vastes terres grâce au jeu des Chambres de réunion, le roi « très chrétien » doit rendre ses conquêtes suite à la paix de Ryswick (1697). Situation ubuesque pour les habitants du comté qui venaient à peine d’être recatholisés sur insistance de l’évêque de Metz, Monseigneur d’Aubusson. Cette paix de Ryswick rend aux seigneurs protestants leurs terres où ils entendent bien ramener la Réforme ! Louis XIV avait bien fait stipuler dans le traité que la situation religieuse ne devait pas changer, donc que là où le catholicisme avait été ranimé cette religion resterait. Les seigneurs de Nassau, souhaitant que les Réformés retrouvent leur rang, décident de transformer nombre d’églises de leur comté en église simultanée, donc servant aux deux confessions. L’église de Weyer va donc devenir église simultanée en 1698. Il est vrai que Louis XIV avait, en maints autres endroits, déjà procédé de la même façon en ouvrant aux catholiques les églises protestantes, créant ainsi le système du simultaneum ! Les comtes de Nassau ne faisaient que rendre la monnaie de la pièce pour permettre aux protestants d’affirmer leur foi. A partir de là on imagine facilement les multiples tensions qui vont naître entre les deux communautés et qui dureront près d’un siècle jusqu’à la conclusion d’un accord entre Louis XV et le prince Guillaume Henri de Nassau en 1776, accord qui permettra d’apaiser quelque peu les esprits. Il faut toutefois noter qu’un mariage mixte était strictement interdit, qu’il fallait réglementer les processions, les fêtes… Quand éclate la Révolution, qui ne suscite pas l’enthousiasme dans la population, les plus excités s’empressent de commettre des actes de vandalisme dans l’église de l’autre confession. Même si la population paysanne du comté resta prudente devant les évènements révolutionnaires, elle n’en demanda pas moins le rattachement du comté à la France afin d’être débarrassée des seigneurs peu aimés. En 1722, une révolte paysanne avait déjà enflammé le pays, vague de protestations contre les trop fortes contributions et suppressions de droits. Un des meneurs était même natif de Weyer. Il fallut l’intervention de l’armée des princes pour briser cette jacquerie en 1723.
Entre-temps avait été édifiée, par accord entre Louis XV et le comte de Nassau-Sarrebruck, une seconde église dans le village, l’église protestante (1769) dont l’architecte est le célèbre Stengel.

Les « granges » dîmières et la rue du magasin

Sur la rive gauche se dresse encore l’ancienne gare qui témoigne du trafic de la ligne de chemin de fer reliant jadis Diemeringen à Sarrebourg. Elle fut ouverte en 1913 après des travaux imposants, notamment de profondes saignées taillées dans les rochers calcaires des collines. Le trafic de voyageurs fut déjà supprimé en 1948 ; on conserva la section Drulingen-Sarrebourg pour quelques trains de marchandises. Avant le rail, une diligence effectuait la navette entre Weyer et Drulingen.

Extrait de « Nos chemins insolites » par Guy Trendel.